Marie France
HIRIGOYEN Abus de faiblesse et autres
manipulations : où sont les limites ?
MF. H. est psychiatre, psychanalyste et
victimologue. Elle enseigne en éthique médicale . son livre » Le
Harcèlement moral » est à l’origine de la loi sanctionnant ce
fonctionnement.
La
manipulation fait partie de la vie, ce qui fait la différence, c’est
l’intentionnalité (y compris inconsciente). Comment repérer les premiers signes
d’un abus de faiblesse ?
Adultes en
état de sujétion psychologique, enfants, personnes âgées ; où commence
l’influence normale et saine, où commence la manipulation ?
En se
fondant sur son expérience clinique, Marie France Hirigoyen interroge la notion
de consentements et les dérives de comportement ; elle montre en outre que
le statut de victime n’est pas irréversible.
Ø Qui peut dire que quelqu’un n’a
jamais profité de lui ? De nombreuses recherches ont tenté de comprendre
les ressorts de l’acceptation et de la soumission, c.a.d. le moment de la
moindre vigilance.
Par ailleurs
il convient également de prêter attention aux abus de langage : pour
réussir il faut savoir séduire, influencer, manipuler…, comment surnager dans
un monde où tous bluffent ? L‘individu moderne est vulnérable, et cherche
désespérément à rehausser son estime de soi, et parce qu’il se croit libre il
devient influençable.
On
s’interroge également sur le consentement des dominés ?ils se soumettent
parce qu’ils accordent une légitimité à la domination, parce qu’ils savent que leur intérêt réside dans une soumission
prudente. Cf. Coste F, Costey P et Tanguy L.
Cf.
aussi : J. Assange « un homme ne peut pas comprendre un
« non » qui n’a jamais été prononcé » .
Alors que lorsqu’on parle de consentement
libre, il l’est en l’absence de toute pression extérieure et celle qui correspond à une maitrise de soi
et de sentiments.
Une
victime »consentante » est un être dominé ou quelqu’un pris dans une
stratégie de survie, exemple des femmes
soumises.
Un séducteur n’atteint
son but que dans la mesure où il incarne un désir latent chez l’autre et vient
combler un vide en lui.
La séduction n’est possible qu’en tenant compte de
l’autre : la personne séduisante est celle où l’être séduit se retrouve.
Il parvient à obtenir un statut d’objet assimilable à travers la « sidération » des défenses de
l’autre
La
suggestion est rendue possible par une faiblesse psychique, un rétrécissement
du champ de conscience.
Dans le cas de secte la séduction n’est pas réciproque mais
narcissique, destinée à fasciner et à paralyser l’autre. Cela commence par une
intrusion dans le territoire de la victime, par une communication biaisée avec des messages délibérément flous et imprécis, truffées de mensonge ou de
paradoxes… confusion, troubles…. interprétation de la réalité
M.F.H.
renouvelle la blessure faite chez les
enfants lorsqu’un parent effectue sur lui, de manière implicite, un
« lavage de cerveau » visant à détruire l’image de l’autre parent…
c’est pour lui une manière de restaurer le narcissisme qu’il avait perdu dans
la séparation.
Il arrive
que dans des cas de séparation –ou non- un parent manipule inconsciemment un
enfant pour l’amener à rejeter l’autre parent, processus d’aliénation, cela
affecte son devenir psychique car il devient complice de l’élimination du
parent rejeté, à laquelle il a participé. (Abus émotionnel grave).
Les enfants
présentent des signes de distorsion psychoaffective, qu’ils n’ont pas de
pensées autonomes et cherchent en permanence l’approbation du parent manipulateur…
contrôler l’enfant et par ce biais l’autre parent
Le parent se
pose en victime, alors que les enfants sont spontanément réparateurs
Et l’enfant sent bien que s’il
n’adhère pas il sera rejeté… tension extrême et forte angoisse alors l’enfant apprend
à dire la vérité qui convient, à biaiser, devenir diplomates, contrôler leurs
paroles, filtrer les messages … voire moduler leur discours
Pour ces enfants le salut réside dans
le clivage. Le clivage est un mécanisme de défense qui permet de maitriser
l’angoisse et de mettre de coté une émotion ou un souvenir trop perturbant (se scinder en deux parties)
Le mineur
développe un faux self. Représentation manichéenne du monde…risque de troubles
de la personnalité, le plus souvent de type narcissique, avec intolérance à la
frustration, difficulté à gérer l’agressivité et tendance à se placer en toute
puissance ;
Même s’il
prétend agir pour le bien de ce dernier, ce parent cherche à se valoriser aux
dépens de l’autre , et s’établit une relation incestuelle plaçant l’enfant
sur un pied d’égalité, à la place du parent rejeté.
Ø La rencontre avec un pervers, par ses
transgressions apporte de l’excitation chez la « victime » cela
l’amène à accepter les mensonges etc. qui viendront la réveiller et lui faire
vivre des moments intenses.
Ø La volonté active de l’un, doit
rencontrer la volonté passive de l’autre (pour que ca fonctionne), l’évasion
dans la perversion est le contraire de la chute dans l’incapacité ou la dépression ;
la victime par ce biais maintient un niveau d’activation.
Elle recherche
l’effet stimulant -une conduite à risque pas exemple- pour combattre un état de vide et d’ennui
ainsi que le manque d’énergie associé aux états dépressifs.
Celui-ci
idéalisera de façon excessive son partenaire, et niera ses propres désirs pour
chercher à le combler. Le manipulateur régule leur déficit émotionnel
Les victimes sont choisies parce que
leur agresseur repère une faille en elles, dans le registre de la
dévalorisation et de la culpabilisation, elles sont ainsi trop tolérantes,
prêtes à tout comprendre, et à tout pardonner
(et le sauver).
Le manque de
limites favorisent l’emprise, ne pas sentir la frontière entre soi et les
autres car ils ont une perception très vague de leurs émotions et de leurs
sentiments et ils échangent le risque
contre le sentiment d’exister ; les capacités d’adaptation sont
saturées : « petit à petit je me suis trouvée être complètement
passive, distante, réticente »… elle se regarde comme si elle était à
l’extérieur d’elle-même, car le plus souvent un traumatisme antérieur a
brouillé les limites. Quelle faille est-t il venu chercher en elle ? elle
est issue d’un parent ayant un comportement proche pour lequel on lui a demandé
d’être très compréhensive, elle s’est muée en bonne fille…
Tout
commence par une mauvaise estime de soi qu’il faut à tout prix rehausser. Les
pervers moraux présentent tous au départ cette faille, qui les conduit à la
mégalomanie, c'est-à-dire au besoin permanent d’être admiré. Cf. C. Rocancourt
N’ayant pas trouvé dans leur enfance
un reflet d’eux même suffisamment valorisant pour se construire, ils
développent une image de soi démesurée et créent un monde fantasmatique en
accord avec les désirs de grandeur et de toute puissance ; alors ils trichent, font semblant,
mentent se réfugient dans un faux self destiné à protéger un vrai self trop
fragile. La séduction n’est pas amoureuse, elle est narcissique (ne pas être
séduit)
Cf. aussi
Edgar Poe : « plus on montre, plus on cache »
Cf. DR
House : nous séduit par son aspect atypique, intelligent, ses provocations
nous réveillent, nous tirent de l’ennui, et derrière cette méchanceté on
imagine une blessure
Ø La séduction et l’embrigadement des
pervers moraux se fait avant tout à travers le langage, ils tordent les
mots ; l’échange repose sur
l’évitement
Quand encore ils donnent des
explications embrouillées qui empêchent de penser, de poser des limites. Ils
paralysent le jugement de l’interlocuteur afin que celui-ci ouvre sa porte mentale à un contenu qu’il
n’aurait sinon jamais approuvé Aux mensonges directs ils privilégient les
mensonges partiels avec des déformations infimes de la vérité ; ils
utilisent un assemblage de sous entendus, de non-dits, de réponses biaisées,
vagues et imprécises, tel le Funambule
qui retombe sur ses pieds.
En
conséquence ils ont un énorme besoin des autres pour se compléter, et utiliser
en fonction de leur intérêt. Les P. M. assujettissent l’interlocuteur. Avec un
discours de ressassement intense, le message (faux) devient vérité sous le poids
des paroles répétées sans fin, qui empiètent sur les limites de l’autre.
L’auteur
souligne que si » ça marche » c’est parce que les mensonges sont plus
excitants que la banale réalité, ils apportent plus de rêve.
Biblio MF Hirigoyen : le
harcèlement moral
cf. autre ouvrage de MF Hirigoyen
« communication perverse »